Le 24 février 2021, la “loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques” fêtera son centième anniversaire. A vrai dire, plutôt que de souffler cent bougies dans l’allégresse, ce sera l’heure de faire le bilan, de tirer des leçons de la prohibition de certaines drogues et – pourquoi pas ? – d’envisager les obsèques de la jubilaire.
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On le voit, les dégâts sont nombreux, et ils ont tendance à s’accentuer au fil du temps plutôt qu’à s’estomper, à tel point qu’on peut se demander si l’interdit ne fait pas infiniment plus de ravages que les drogues qui en font l’objet. Alors que faire ?
Dans un monde idéal, les problèmes – bien réels – causés par la consommation de drogues seraient encadrés par une politique axée uniquement sur la santé et les droits humains, notamment le droit pour chacun de disposer librement de son corps et de sa conscience. La production, la distribution et la consommation des substances seraient réglementées en fonction des spécificités de celles-ci ; il ne s’agirait pas d’autoriser n’importe quoi à n’importe qui, ni de créer un marché qui verrait des producteurs commerciaux pousser à la consommation – comme c’est actuellement le cas pour l’alcool et le tabac, ainsi qu’à certains endroits déjà pour le cannabis. Mais nous sommes très loin d’une réglementation des drogues, et le chemin pour y parvenir passe par beaucoup de réflexion, de concertation et d’organisation, et comporte de nombreuses étapes intermédiaires.
Ici ou là, souvent à petite échelle, des alternatives ont été tentées, généralement couronnées de succès, et pourtant souvent contrecarrées voire stoppées, faute de correspondre au paradigme prohibitionniste. Qu’il s’agisse de traitements de substitution par administration de diacétylmorphine (héroïne pharmaceutique), de la mise à disposition de lieux de consommation hygiéniques et sécurisés (les salles de consommation à moindre risque) ou d’autres stratégies de réduction des risques (testing, prévention par les pairs, …), ces initiatives tendent à démontrer dans la pratique que “les drogues ne sont pas interdites parce qu’elles sont dangereuses, elles sont dangereuses parce qu’elles sont interdites”, selon le mot de Georges Apap, procureur français et figure de l’anti-prohibitionnisme, aujourd’hui décédé.
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Un article d’Olivier Taymans, Chargé de projets à la FEDITO BXL asbl
Lire l’article : L’impossible prohibition des drogues (Bruxelles Laïque Echos, décembre 2020)